ressources Daniel Larrieu spectacle N’oublie pas ce que tu devines

N’oublie pas ce que tu devines

2005 - automne

les mercredi 9 et jeudi 10 novembre 2005, à la Friche la Belle de Mai

production Compagnie Astrakan
coproduction Centre Chorégraphique de Tours, Les Gémeaux Scène Nationale de Sceaux, La Coursive Scène Nationale de La Rochelle
Avec la participation du Vivat, scène conventionnée danse et théâtre d’Armentières et du Fresnoy, studio national des arts contemporains.

chorégraphie et mise en scène Daniel Larrieu interprètes Jérôme Andrieu, Agnès Coutard, Christine Jouve, Daniel Larrieu, Anne Laurent, Joël Luecht assistant à la mise en scène Franck Jamin scénographie, vidéo patrickandrédepuis1966 création musicale Scanner / Robin Rimbaud lumières Françoise Michel stylisme Marthe Desmoulins assistant Didier Despin broderies Atelier Jean-Pierre Ollier direction technique Christophe Poux
 

Je souhaite explorer les notions de vitesse et de temps dans la composition du mouvement, dans la dynamique, l’endurance et le risque et poursuivre mon travail sur le geste et la composition. La danse sera écrite parallèlement à un travail sur l’image et la vidéo.
Ce projet conjugue l’image, le mouvement, le son, l’espace, les supports de représentations, la lumière. Il s’agira de mettre l’accent sur la juxtaposition des éléments et des évènements plastiques et chorégraphiques en laissant une place au hasard et à la désynchronisation.
Je centre ce travail sur l’écriture chorégraphique en m’appuyant sur le texte de Cécile Helleu comme une pratique poétique.

Daniel Larrieu, février 2003


 

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Un premier mot s’impose à la réception de N’oublie pas ce que tu devines, la récente création de Daniel Larrieu qui vient de retrouver sa compagnie Astrakan, après une dizaine d’années passées à la direction du Centre chorégraphique de Tours. Ce premier mot est richesse. Non pas de celle qui accumule objets et discours, mais plutôt celle qui parvient à soustraire : geste particulier qui rejoint l’émotion dans l’abstraction des formes. Une proposition qui pour agir dans la plus grande modestie n’en offre pas moins une puissante force d’impact. Chez Daniel Larrieu, depuis l’origine, le mouvement chorégraphique est habité par une poétique subtile. Elle s’élabore grâce à une modulation savante du temps, qui sans cesse se transforme. Chaque pièce, et l’écriture qui lui correspond, réfléchit les multiples façons d’explorer les possibilités temporelles et leurs contenus. Daniel Larrieu crée avec ce que les Anciens appelaient les « tactiques de Kronos ».
 

Cette poétique tient aussi à la simplicité, voire même la sobriété des effets, des gestes, des matériaux utilisés. Richesse de réflexion et de travail, qui sans se délier du monde, repose avant tout sur le gisement sensoriel. Ces endroits, surfaces, lumières, corps, un peu mystérieux, énigmatiques où le chorégraphe puise la matière essentielle de son écriture et de l’imaginaire qui l’accompagne.
 

Procédant par sédimentation ou juxtaposition, N’oublie pas ce que tu devines se déploie entre deux couleurs majeures, le blanc et le bleu, espaces lunaires, nocturnes. Impressions, mouvements, images, silhouettes et danses se dévoilent par strates successives de fines compositions également vouées à la disparition par effets de sonorisation procurant des sensations de profondeur. Glissements de projections d’images comme autant d’empreintes labiles qui tiennent du négatif photographique et de son procédé de révélation. Il y a de la trace et du signe, de l’élémentaire et du subtil, une mise à jour profonde de la qualité du mouvement et de la force de l’écriture dans cette nouvelle création.
 

N’oublie pas ce que tu devines se déplie comme un lit de songes dans un climat fascinant, sorte d’apesanteur qui tient tant aux nappes musicales distillées par Scanner, aux lumières de Françoise Michel et aux images discrètes, végétales, nuageuses, se profilant au sol ou en fond de scène, projetées par le plasticien patrickandrédepuis1966. Cela apparaît ou disparaît avec l’idée d’une matière fluide, quasi transparente, insaisissable, perpétuellement mouvante tandis que six interprètes : Jérôme Andrieu, Agnès Coutard, Christine Jouve, Daniel Larrieu, Anne Laurent, Jöel Luecht évoluent sur une même ligne temporelle et des mesures différentes. Une écriture concise faite de mémoire et d’expérimentation. Tour à tour, en duos, appuyés dos à dos, en trios ondulant au sol, par ensembles composant des lignes graphiques et humoristiques : bras étirés levés à la verticale ou à l’oblique, femmes penchées dont le buste incliné tourne lentement. Cela prend corps en de remarquables solos égrenant lentement de nouveaux espaces créés par des gestes infimes entièrement surgis d’une qualité de mobilité qui laisse libre cours aux sensations. Des filaments fluorescents percent la nuit accompagnant les gestes des interprètes dispersés dans l’espace, distillant entre ciel et mer, plutôt que ciel et terre, des émotions vaporeuses, une perception flottante, quelque chose d’un sentiment qui relie au cosmos ou évoque des rencontres surprenantes comme celle de la pierre et du nuage.
 

N’oublie pas ce que tu devines se regarde comme un paysage abstrait. Une écriture faite d’écoute jusqu’au plus intime mouvement. Travail des gestes et des états de corps qui accueillent ou se prêtent au surgissement des choses. Au-delà du sens, à travers une sorte de vacuité ou d’ouverture au vivant qui tient parfois du désœuvrement - à l’inverse du temps ordinaire - les corps semblent se mouvoir dans une qualité de relâché, là où signes, sens, sentiments et mémoire peuvent entrer en collision, flotter dans l’espace, tisser leur propre poétique. Dans cette nouvelle création proche de la parabole, il s’agit, comme dit le philosophe : « d’entendre notre propre oreille écouter, de voir notre œil regarder cela même qui les ouvre et qui s’éclipse dans cette ouverture. » (Jean-Luc Nancy, in Noli me tangere).

Irène Filiberti
Ventilo-9 au 15/11/2005  (PDF - 402.8 kio)
La Provence - 10 nov 2005  (PDF - 378.1 kio)
Ventilo - 20 déc. 2005  (PDF - 159.6 kio)
N’oublie pas ce que tu devines - Extraits

réalisation patrickandrédepuis1966
©Astrakan 2003