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Jean-Paul Céalis

 Jardin à la française - Mardi 30 Octobre 1989 - Théâtre de la Minoterie
 Mémorial Jeudi 1er Juin 1989 - Théâtre de la Minoterie

Jean-Paul Céalis, graphiste de formation est décédé en 2019.
Cet artiste Géo Trouvetou qui serait diplômé de l’école d’art parallèle buissonnière du coin de la rue. Les objets disparates en bois et en plastiques qui jonchent pêle-mêle la scène, nous font penser au premier abord à un atelier d’artisan récupérateur en tout genre. Comme le bricoleur, il est à la merci de la conformation du matériaux qu’il utilise.
Et ses objets, bien que totalement imaginés, tirés tout droit d’une encyclopédie dadaïste des objets impossibles et autres outils inutiles, n’en ont pas moins toute inscrite dans leur forme et leur structure. Flanqué de ses deux acolytes, tous chantants à la voix bien timbrée, il se promène ça et là et essaie ces "choses" comme on essaie un vêtement insolite, juste "pour voir". Et de fait, ces objets importables ou des sandales japonaises conçue de façon tellement saugrenue qu’elles peuvent servir à tout sauf marcher, l’effet est irrésistible.

Texte de René Gaudis :

Jean-Paul Céalis, c’est un moteur à trois temps. Premier temps : l’œil critique. Il scrute le monde d’aujourd’hui. A l’aide notamment d’ instruments fournis par les sciences humaines, il analyse les phénomènes (objet, rituel, mot…), saisit le détail en trop ou insuffisant. Ce qui cloche. Rien n’échappe à son œil de lynx, pas de quartier pour le préformé, le conformé. « Dans les grandes surfaces on fait la chasse à l’ombre. La lumière sans l’ombre, c’est la mort ». Deuxième temps : l’invention. Il joue avec chaque composant du phénomène. Il décale, déforme, détraque. Le but n’est pas de représenter au plus près de ce qu’il est. Il recompose, fait renaître différemment. Il expérimente avec obstination et rigueur, jusqu’à ce que chaque effet qu’il veut produire -on peut dire chaque gag- soit parfaitement calé. Troisième temps : transmission. L’épreuve de la scène. Le monde qui est devant nos yeux est un drôle de monde. L’humain est dans son environnement d’aujourd’hui, avec ses composants les plus récents. Va-t-il être dominé ? Ecrasé ? Non. Il engage le combat, le corps à corps. Par son énergie, par l’intelligence de son cerveau et de sa main, il comprend les mécanismes, leur donne de nouvelles formes plus belles, polysémiques, énigmatiques. C’est le temps du plaisir, du rire et de l’appel à la réflexion du public.

Cela avait commencé avec un bavoir collectif et une veste-aquarium avec poissons rouges. Puis il y a eu sept spectacles. [...]

Oeil critique, inventeur, Jean-Paul Céalis avait aussi la passion de transmettre et a enseigné aux Arts Déco. Porté par cette école, il l’a aussi portée pendant des années. Participant à toutes les réformes, il avait à cœur de donner aux jeunes artistes les outils affûtés pour comprendre le monde actuel, pour le représenter de façon critique, mais aussi pour chercher les formes d’un monde qui n’existe pas encore : plus intelligent, plus spirituel. Il était la fierté de notre Ecole, notre fierté. Il a pu vivre et créer avec l’amour de Roza, et pour Roza. Il est là devant nous, fagoté dans un drôle d’habit de bois vernis qui le cache. Les spectateurs se lèvent et viennent écrire sur cet habit des mots d’amour.