ressources Georges Appaix spectacle Basta !

Basta !

1989 - automne

du 4 au 7 octobre 1989 à 21h au théâtre Les Bernardines

Co-production : La Liseuse - Théâtre Gérard Phlippe Saint-Denis - Marseille Objectif Danse - Les Bernardines - Avec le soutien de l’ADAMI.

chorégraphie Georges Appaix, scénographie Goury, assisté de Brigitte Garcia, lumières Pierre Jacot-Descombes, son Olivier Renouf, Georges Appaix, régisseur général Christophe Orly avec : Pascale Luce, Sabine Macher, Pascale Paoli, Marco Berrettini, Éric Houzelot, Georges Appaix.
 

Basta ! sera créé les 10, 11, 12 novembre 1989 au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis.
 

« Ainsi à l’épaisseur des choses ne s’oppose qu’une exigence d’esprit, qui chaque jour rend les paroles plus coûteuses et plus urgent leur besoin ». Francis Ponge.
 

Spectacle d’un refus. Après une étude approfondie du A (Agathe, Antiquités, l’Arrière Salle, Affabulation), nous nous attaquons à la lettre B non sans une respectueuse appréhension.
Spectacle colérique ! Bien que conscients du chemin à parcourir le long de notre ABCDaire chorégraphique, nous voulons « lorgner », vers une poésie chorégraphique ou une chorégraphie poétique.
Spectacle obstiné qui se heurte à l’épaisseur des choses dont parle Francis Ponge.
Spectacle cultivant l’aimable négation, la litote. Les danseurs, trois femmes et trois hommes autour de la trentaine, évoluent entre une théâtralité affirmée et une présence beaucoup plus fragile, sans artifice. Ils engagent leurs corps sur la scène, et aussi leurs voix et leurs visages. Nous avons cette vaniteuse modestie de ne rien affirmer qui ne soit, tôt ou tard, contredit ou relativisé. Et nous essayerons de fuir, quand ils se présentent, le trop lisse des évidences et surtout l’attendu.
 

Paris le 15 août. J’essaye aujourd’hui d’écrire quelques mots sur « Basta », tout au moins sur l’état de grandissement du projet au bout de sept semaines de répétitions. J’ai devant les yeux les images vidéo captées au cours d’une répétition publique. Ecrire, c’est sans doute d’abord voir, savoir ce que l’on est en train de faire ; mais le spectacle que j’entrevois, que je souhaiterais faire, les images vidéo y font allusion sans le montrer, sans en montrer même un état intermédiaire. Donc ces images refusent de me dire ce que sera « Basta ». Cela ne m’étonne qu’à moitié... Essayons de chercher plus en amont : Qu’est-ce qu’on en a à faire du mouvement ! et qu’est-ce qu’on en a à faire des mots ! Qu’est-ce qu’on peut faire du mouvement ? et qu’est-ce qu’on peut faire des mots ? Ce sont des questions et j’ai, nous avons quelques idées et quelques désirs d’y répondre, fût-ce de manière contradictoire. Cela passe par la scène, le lieu mystérieux qui mêle la proximité et l’éloignement, l’illusion et le réel, la joie et le danger ; et cela passe par les gens qui s’y trouvent et qui partagent ces questions et ce danger et cette joie. Il faut rajouter la musique, toujours là d’une manière ou d’une autre, même dans ses absences, comme un référent, toujours prête à faire un bout de route avec les mots. Alors quoi basta ? Alors « Basta » c’est d’abord un petit reglement de compte personnel, de moi à moi, donc d’un intérêt trés relatif. C’est aussi la manifestation d’un certain refus, par rapport au contexte de la danse contemporaine et plus largement du spectacle vivant, et plus largement encore, pourquoi pas, de l’art vivant, d’un système de marché qui nous menace de rétrécissement, de conformité à je ne sais quelle demande. Et cela ne veut pas dire pour autant cultiver le mépris ou même l’indifférence pour le public, accusation fréquente et généralement immédiatement suivie de celle infamante « d’intello ». On ne peut pas aimer le spectacle sans respecter le public, ce serait absurde ! Je souhaite donc avec « Basta » continuer à faire ce métier le mieux possible. Facile à dire ! Qu’est-ce qu’on peut bien, en effet, raconter dans un spectacle si l’on a renoncé aux diverses formes répertoriées d’héroïsme, en actes, en paroles, et bien évidemment en images, et que l’on a pourtant pour objet non pas de distraire le spectateur du monde, mais plutôt quelque chose qui serait de l’ordre du contraire ? Bien sûr il y a l’humour, chose précieuse entre toutes mais si délicate ; sans parler de cette fameuse « distance » qui pourrait tout justifier. Je me suis dit finalement, un spectacle c’est une tranche d’humanité ; s’il ne transforme pas le monde, ni même ceux qui y assistent, qu’au moins un petit déséquilibre en résulte, si possible accompagné de plaisir, et que certaines certitudes en soient ébranlées, même si, l’agitation terminée, tout reprend presque la même place. Ce « presque » là me suffirait.

Georges Appaix.
Basta ! (extraits)

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